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Chaque mois cette page vous proposera un article de fond sur un des sujets importants pour le gestionnaire dans son quotidien.
09/2023
La Responsabilité financière des gestionnaires publics (RGP)
I - Les principaux textes :
Ordonnance
n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics (RGP).
Décret n°2022-1605
du 22 décembre 2022 portant application de l'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022
Ce
décret
supprime
toutes
les
références
au
jugement
des
comptes
et
des
gestions
de
fait,
à
l'apurement
administratif
des
comptes
ainsi
qu'à
l'examen
des
états
de
restes
des
comptables
secondaires
de
la
direction
générale
des
finances
publiques
(DGFiP)
et
des
comptables
de
la
direction
générale
des
douanes
et
des
droits
indirects.
Il
abroge
également
l'ensemble
des
décrets
relatifs
à
la
mise
en
œuvre
de
la
responsabilité
personnelle
et
pécuniaire
des
comptables
publics,
régisseurs,
huissiers
de
la
DGFiP,
trésoriers
et
sous-trésoriers
militaires
ainsi
que
des
comptables
des
organismes
de
sécurité
sociale.
Il
supprime les réserves pouvant être formulées par les comptables à l'occasion de leur installation ainsi que leur obligation de cautionnement.
La
mise
en
place
du
nouveau
régime
de
responsabilité
ne
modifiant
ni
le
positionnement
ni
les
missions
de
contrôle
des
comptables
publics
et
assimilés,
les
différentes
indemnités
de
caisse
et
de
responsabilité
sont renommées en indemnités de maniement de fonds.
La
fin
du
jugement
des
comptes
se
traduit
par
la
suppression
de
la
transmission
automatique
des
comptes
et
pièces
justificatives
à
la
Cour
des
comptes
et
aux
CRC.
Le
décret
précise
les
conditions
de
production des comptes et des pièces justificatives, les modalités de conservation et d'archivage.
Le décret supprime également la prestation de serment des comptables devant le juge des comptes au profit d'une prestation de serment devant une autorité administrative.
Le
décret
précise
également
les
conditions
de
mise
en
œuvre
de
la
possibilité
pour
le
comptable
de
signaler
à
l'ordonnateur
des
faits
susceptibles
de
constituer
une
infraction
au
titre
de
l'article
L.131-9
du
code
des
juridictions
financières
tel
que
modifié
par
l'ordonnance
précitée.
Il
fixe
également
les
conditions
de
prise
en
charge
des
déficits
résultant
exclusivement
des
fautes
ou
des
erreurs
des
comptables
publics
de
l'Etat.
Le
décret
instaure
enfin
une
procédure
simplifiée
pour
la
libération
du
cautionnement
des
comptables,
régisseurs
et
des
huissiers
des
finances
publiques
auprès
des
organismes
agréés
par
le
ministre
du
budget.
Décret n° 2022-1604
du 22 décembre 2022 relatif à la chambre du contentieux de la Cour des comptes et à la Cour d'appel financière et modifiant le code des juridictions financières
Décret n° 2022-1698
du 28 décembre 2022 modifiant le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.
Arrêté
du 29 décembre 2022 relatif à l'organisation du service des comptables publics.
Décret
n°
2023-520
du
29
juin
2023
portant
application
des
mesures
de
simplification
et
d'harmonisation
des
procédures
de
l'ordonnance
n°
2022-408
du
23
mars
2022
relative
au
régime
de
responsabilité
financière
des
gestionnaires
publics
et
diverses
dispositions
d'actualisation
du
code
des
juridictions
financières.
Des
précisions
sur
les
procédures
devant
la
juridiction
financière
II – Présentation de la réforme.
L'
ordonnance
du
23
mars
2022,
prise
en
application
de
la
loi
de
finances
du
30
décembre
2021,
crée
un
régime
juridictionnel
unifié
de
responsabilité
des
gestionnaires
publics
qui
est
entré
en
application le 1er janvier 2023.
L’objectif
de
la
réforme
est
de
réserver
l’intervention
du
juge
financier
aux
infractions
les
plus
graves
ayant
causé
un
préjudice
financier
significatif
à
l’organisme
public
concerné,
ainsi
qu’à
celles
qui
sont
considérées
comme
importantes
pour
la
bonne
gestion.
Les
erreurs
ou
fautes
les
moins
graves
relèveront
du
pouvoir
de
sanction
de
l’autorité
de
tutelle
des
agents
concernés,
sans l’intervention du juge.
Avant cette réforme il existait deux régimes d’engagement de la responsabilité financière :
-
Celui
concernant
les
comptables
publics
sui
étaient
soumis
à
une
responsabilité
personnelle
et
pécuniaire
(RPP)
devant
les
Chambres
régionales
des
comptes
(CRC)
et
la
Cour
des
comptes (CC), avec des risques importants pour des fautes commises majoritairement par les ordonnateurs, souvent mineures et purement formelles.
-
Celui
concernant
principalement
les
ordonnateurs
dont
la
mise
en
cause
de
la
responsabilité
pouvait
faire
l’objet
de
sanctions
pour
des
fautes
graves
devant
la
Cour
de
discipline
budgétaire (CDBF) ; mais avec très peu de jugements.
La
CDBF
et
le
régime
de
responsabilité
personnelle
et
pécuniaire
du
comptable
disparaissent
avec
la
mise
en
place
d’un
régime
d’engagement
unifié
de
la
responsabilité
financière
des
gestionnaires publics. Cette réforme touche également, par ricochet, la responsabilité des régisseurs.
A
à
la
différence
du
régime
de
RPP
dans
lequel
le
comptable
était
mis
en
débet
en
cas
de
manquement
dans
l’exercice
de
ses
contrôles
alors
même
qu’il
n’était
pas
à
l’origine
de
la
faute,
le
nouveau régime conduit à sanctionner la personne directement à l’origine de l’infraction. Par ailleurs il a pour objectif de sanctionner une faute et non pas de réparer un préjudice financier.
III - La notion de gestionnaire public.
Cette
réforme
concerne
tous
les
agents
publics
:
les
ordonnateurs
et
les
comptables
bien
sûr
mais
également
les
fonctionnaires,
contractuels,
agents
de
droit
privé
exerçant
une
mission
de
service public (art. L131-1 du Code des juridictions financières), à l’exclusion des ministres et des élus locaux (sauf pour certaines infractions).
Les chefs de service seront principalement concernés plutôt que les agents dont l’action se limite à appliquer les directives ou à suivre les instructions.
Si
les
chefs
d’établissements
ordonnateurs
et
les
agents
comptables
continueront
d’être
en
première
ligne
pour
l’application
de
cette
réforme
ce
sera
également
le
cas
désormais
des
adjoints
gestionnaires
qui
sont
concernés
au
premier
chef
par
cette
nouvelle
règlementation.
Mais
d’autres
personnels
des
EPLE
pourront
se
voir
sanctionnés
aussi,
notamment
dans
le
cadre
de
la
«
gestion de fait ».
L’ordonnance
de
mars
2022
précise
que
l’agent
ne
sera
pas
passible
de
sanctions
s’il
n’a
fait
que
se
conformer
aux
instructions
de
son
supérieur
hiérarchique
ou
de
toute
personne
habilitée
ou s’il peut exciper d’un ordre écrit émanant d’une autorité non justiciable.
Article
L.131-5
:
«
Le
justiciable
qui
agit
conformément
aux
instructions
préalables
de
son
supérieur
hiérarchique
et
d'une
personne
habilitée
n'est
passible
d'aucune
sanction.
La
responsabilité
du
supérieur
hiérarchique
ou
de
la
personne
habilitée
se
substitue,
dans
ce
cas,
à
la
sienne.
Ces
dispositions
ne
sont
pas
applicables
dans
le
cas
où
l'instruction
donnée
est
manifestement illégale et de nature à compromettre gravement un intérêt public
».
Article L.131-6. : «
Les justiciables ne sont passibles d'aucune sanction s'ils peuvent exciper :
1° D'un ordre écrit préalable émanant d'une autorité mentionnée aux 1° à 15° de l'article L. 131-2, dès lors que cette autorité a été dûment informée sur l'affaire
».
A
signaler
l’ouverture,
en
complément
du
nouveau
régime
de
responsabilité
des
gestionnaires
publics,
par
la
Cour
des
comptes
d’un
portail
de
signalement
mis
à
dispositions
des
citoyens
tout
en
conservant
l’anonymat.
Ce
portail
permet
de
signaler
tout
dysfonctionnement
important
dans
une
entité
publique
ou
dans
un
organisme
susceptible
d’être
contrôlé
par
la
Cour
ou
par
les chambres régionales et territoriales des comptes.
IV - Les fautes sanctionnées.
L’ordonnance introduit dans le Code des juridictions financières les infractions suivantes :
-
les
fautes
graves
(art.
L.131-9)
ayant
causé
un
préjudice
financier
significatif
par
le
non-respect
des
règles
d’exécution
des
recettes
et
des
dépenses
ou
de
la
gestion
des
biens
publics.
Le
caractère
significatif
du
préjudice
financier
est
apprécié
en
tenant
compte
de
son
montant
au
regard
du
budget
de
l'entité
(donc
de
l’EPLE).
A
noter
que
les
autorités
de
tutelle,
lorsqu'elles
auront approuvé ces faits, seront passibles des mêmes sanctions ;
- l’obstruction à une procédure de mandatement d’office (art. L.131-11) ;
-
l’octroi
d’un
avantage
injustifié
à
une
personne
morale,
à
autrui,
ou
à
soi-même,
en
méconnaissance
de
ses
obligations
et
par
intérêt
personnel
direct
ou
indirect
(art.
L.131-12).
Bien
que
présentant des similitudes, cette infraction est différente du « délit de favoritisme » dans le cadre des marchés publics visé par l’article 432-14 du Code pénal ;
- la non production des comptes dans les délais, y compris pour un comptable commis d’office (Art. L.131-13) ;
- l’engagement d’une dépense, sans en avoir le pouvoir ou sans avoir reçu délégation à cet effet (art. L.131-13) ;
- l’inexécution d’une décision de justice (art. L.131-14) ;
-
la
gestion
de
fait
(art.
L.131-15).
La
gestion
de
fait
s’applique,
à
«
toute
personne
qui,
sans
avoir
la
qualité
de
comptable
public
ou
sans
agir
sous
contrôle
et
pour
le
compte
d’un
comptable
public,
s’ingère
dans
le
recouvrement
de
recettes
affectées
ou
destinées
à
un
organisme
public
»,
ou
«
reçoit
ou
manie
directement
ou
indirectement
des
fonds
ou
valeurs
extraits
irrégulièrement de la caisse d’un organisme public ».
Cette
définition
est
donnée
par
l’article
L.131-15
du
Code
des
juridications
financières
créé
par
l’
ordonnance
du
23
mars
2022
instituant
un
régime
juridictionnel
unifié
de
responsabilité
des
gestionnaires publics, entré en application le 1er janvier 2023 :
:
«
Toute
personne
qui,
sans
avoir
la
qualité
de
comptable
public
ou
sans
agir
sous
contrôle
et
pour
le
compte
d'un
comptable
public,
s'ingère
dans
le
recouvrement
de
recettes
affectées
ou
destinées
à
un
organisme
public
doté
d'un
poste
comptable
ou
dépendant
d'un
tel
poste
est,
dans
le
cas
où
elle
n'a
pas
fait
l'objet
pour
les
mêmes
opérations
des
poursuites
au
titre
du
délit
prévu et réprimé par l'article 433-12 du code pénal, passible des sanctions prévues à la section 3 au titre de sa gestion de fait.
Le
comptable
de
fait
est
en
outre
comptable
de
l'emploi
des
fonds
ou
valeurs
qu'il
détient
ou
manie
irrégulièrement
et,
à
ce
titre,
passible
des
sanctions
prévues
à
la
section
3
en
cas
de
commission d'une infraction mentionnée aux articles L.131-9 à L.131-14.
Il
en
est
de
même
pour
toute
personne
qui
reçoit
ou
manie
directement
ou
indirectement
des
fonds
ou
valeurs
extraits
irrégulièrement
de
la
caisse
d'un
organisme
public
et
pour
toute
personne
qui,
sans
avoir
la
qualité
de
comptable
public,
procède
à
des
opérations
portant
sur
des
fonds
ou
valeurs
n'appartenant
pas
aux
organismes
publics,
mais
que
les
comptables
publics sont exclusivement chargés d'exécuter en vertu de la réglementation en vigueur
».
L’article L.142-1-12 du CJF précise par ailleurs que les poursuites devant la Cour des comptes ne font pas obstacle à l'exercice de l'action pénale et de l'action disciplinaire.
V - Les sanctions.
Les sanctions sont listées aux articles L.131-16 et suivants du Code des juridictions financières :
-
la
juridiction
peut
prononcer
à
l'encontre
de
l’agent
dont
elle
a
retenu
la
responsabilité
dans
la
commission
des
infractions
prévues
aux
articles
L.131-9
à
L.131-12
et
L.131-14
une
amende
d'un montant maximal égal à six mois de rémunération annuelle de la personne faisant l'objet de la sanction à la date de l'infraction.
-
pour
les
infractions
visées
par
l’article
L.131-13
(non
production
des
comptes,
engagement
d’une
dépense
sans
autorisation)
l’amende
est
limitée
à
un
mois
de
rémunération
annuelle
de
la
personne faisant l'objet de la sanction à la date de l'infraction.
-
pour
la
gestion
de
fait
la
juridiction
peut
prononcer
à
l'encontre
du
justiciable
une
amende
d'un
montant
maximal
égal
à
six
mois
de
sa
rémunération
annuelle
à
la
date
de
la
déclaration
de
la
gestion
de
fait
au
comptable
dans
les
fonctions
duquel
il
s'est
immiscé.
Pour
fixer
le
montant
de
l'amende,
la
juridiction
tient
compte
de
l'importance
et
de
la
durée
de
la
détention
ou
du
maniement
des
deniers,
des
circonstances
dans
lesquelles
l'immixtion
dans
les
fonctions
de
comptable
public
s'est
produite,
ainsi
que
du
comportement
et
de
la
situation
matérielle
du
comptable de fait (art. L131-18).
En
cas
de
cumul
d'infractions,
le
montant
de
l'amende
prononcée
ne
peut
excéder
le
montant
de
celle
encourue
au
titre
de
l'infraction
passible
de
la
sanction
la
plus
élevée.
La
juridiction
peut
accorder
une
dispense
de
peine,
lorsqu'il
apparaît
que
le
dommage
causé
est
réparé
et
que
le
trouble
causé
par
l'infraction
a
cessé
(art.
L131-19).
Les
sanctions
seront
prononcées
par
le
juge de manière individualisée et proportionnée à la gravité des faits reprochés, à l’éventuelle réitération des pratiques prohibées ainsi que, le cas échéant, à l’importance du préjudice.
VI - L’organisation juridictionnelle.
Le nouveau régime de responsabilité financière se caractérise par une organisation juridictionnelle unifiée qui garantira les droits des justiciables :
- En première instance : une chambre unique de la Cour des comptes comprenant des membres de la Cour et des magistrats des chambres régionales et territoriales des comptes ;
-
En
appel
:
une
formation
de
jugement
mixte
présidée
par
le
Premier
président
de
la
Cour
des
comptes
et
composée
de
quatre
conseillers
du
Conseil
d’Etat,
quatre
conseillers
de
la
Cour
des comptes et de deux personnalités qualifiées. L’appel sera suspensif ;
- En cassation : le Conseil d’Etat reste la juridiction compétente.
VII - Jurisprudences.
Un
exemple
de
procédure
dans
le
cadre
de
la
nouvelle
responsabilité
des
agents
publics.
Pour
la
première
fois,
le
Procureur
général
a
décidé
de
prendre,
dans
le
cadre
du
régime
de
responsabilité
financière
des
gestionnaires
publics,
un
réquisitoire
d’initiative
sur
la
base
d’informations
publiées
dans
différents
organes
de
presse
:
l’affaire
concerne
la
vente
des
meubles
du château de Grignon, consentie à des prix qui seraient très inférieurs à leur valeur réelle